On sait tous que cette année c’est le 20e anniversaire des Olympiades de la science ! Un anniversaire important. Mais quand est l’anniversaire de l’univers ? Et combien de bougies mettre sur son gâteau ? Dans cette article, Yuta, bénévole en physique, explique en cinq étapes pourquoi ce devrait être approximativement 13.772 milliards de bougies.
Intensité du rayonnement d’un corps noir en fonction de sa longueur d’onde pour
La théorie principale sur la création de l’univers est celle du Big Bang : malgré le fait qu’elle a beaucoup été discutée au cours du siècle dernier, elle a été reconnue le «modèle cosmologique standard» en 2005. Cette théorie consiste en ce que l’univers est apparu avec une explosion, après laquelle il a commencé à s’expandre de façon exponentielle, et il se trouve toujours en expansion à présent.
Etape Deux : Les corps noirs
Un corps noir est un corps qui absorbe tout rayonnement qui lui parvient. Cette absorption est due à l’agitation thermique des molécules dans le corps en question : en d’autres mots, les particules du corps noir bougent beaucoup et interagissent entre elles, ainsi qu’avec les particules des rayonnements qui lui parviennent. Ces particules se retrouvent ainsi absorbées dans les réactions atomiques qui ont lieu dans le corps noir. D’autre part, les particules libérées par les réactions constituent un rayonnement émis par ce corps, appelé la luminance énergétique spectrale. A la fin du 19e siècle, les travaux du connu physicien Max Planck ont montré qu’il existe une loi permettant de calculer cette luminance énergétique u :
où v est la fréquence du rayonnement, T la température du corps, c la vitesse de la lumière (300’000 km/s) et kB la constante de Boltzmann (1,38 · 10-23 J/K). Ainsi, l’intensité du rayonnement est différente pour chaque température. (voir le graphique ci-dessus).
Etape Trois : L’univers en tant que corps noir
Au début de son existence, l’univers était un corps noir. En effet, directement après le Big Bang, il était extrêmement dense, et par conséquent sa température était très élevée. Comme nous avons déjà vu, c’est bien une haute température qui est à l’origine de l’agitation des particules, et donc c’est elle qui caractérise un corps noir. D’ailleurs, les particules des quelles était composé l’univers sont les même que maintenant : ce sont des protons, des électrons, des neutrons, etc.
Comme l’univers était un corps noir à haute énergie et les interactions entre les particules le composant était très nombreuses, les photons, «particules de la lumière», n’étaient pas capables de se déplacer librement : en effet, elles se retrouvaient toujours impliquées dans des réactions atomiques. La lumière telle que nous la connaissons n’existait donc pas. Alors comment ça se fait qu’elle existe maintenant ? Il nous faut pas oublier que dû à son expansion, l’univers perd en énergie et donc se refroidit. C’est ainsi qu’à un certain moment de son existence, il est passé d’un corps noir à un corps ordinaire. Il a expérimentalement été calculé que lors de cette transformation, la température de l’univers était de 3’000 K.
Cette transformation est appelée la recombinaison. Depuis la recombinaison, la lumière est devenue capable de voyager librement dans l’espace à une vitesse très élevée (en tant que rappel, la vitesse de la lumière est de 300’000 km/s) et est devenue telle que nous la connaissons.
Etape Quatre : Le fond diffus cosmologique et l’effet Doppler
Au début du 20e siècle, deux astrophysiciens, Arno Penzias et Robert Wilson, ont observé un rayonnement de fond étrange pendant une expérience visant à détecter l’écho du radar d’un satellite. Il s’est trouvé que les propriétés de ce rayonnement correspondent exactement à celles du rayonnement émis lors de la recombinaison : en effet, dès que les photons ont gagné la possibilité de circuler librement, ils ont crée un fond de rayonnement qu’on peut toujours observer à présent. On l’appelle le fond diffus cosmologique. Voici à quoi il ressemble :
Cependant, on peut observer que la température du fond diffus n’est pas répartie uniformément : certaines zones sont plus chaudes que d’autres. Certaines de ces fluctuations sont dues au fait que l’univers n’était pas parfaitement uniforme avant la recombinaison, et donc le nombre de réactions atomiques était différent partout, entrainant une intensité différente du rayonnement émis. D’autres sont causées par les obstacles rencontrées par les particules du fond diffus sur leur chemin, pouvant varier de galaxies entières à simplement des planètes ayant un champs magnétique conséquent.
Pendant l’une de ses expériences, le physicien autrichien Christian Doppler a observé un phénomène intéressant : lorsque la source d’un son est en mouvement, la fréquence du son émis change. Il a plus tard été démontré que c’est le cas non seulement pour les ondes sonores, mais pour tout type de rayonnement, y compris les ondes lumineuses. A travers une formule, le décalage spectral z est donné comme suit:
où lobs est la longueur d’onde observable l0 la longueur d’onde originelle.
Etape Cinq: L’âge de l’univers
Le rayonnement diffus émis pendant la recombinaison devrait être soumis à l’effet Doppler, puisque sa source, l’univers, est en expansion, et donc en mouvement ! Selon des données expérimentales, les propriétés du fond diffus correspondent parfaitement à celles d’un rayonnement d’un corps noir d’une température de 2’728 K.
Tout en sachant que la température de l’univers lors de la recombinaison était de 3’000 K, on peut déterminer le décalage spectral du fond diffus en utilisant la formule de Doppler. Connaissant le décalage, on peut d’abord approximer la distance parcourue par les particules du fond diffus, puis en sachant que leur vitesse est égale à la vitesse de la lumière (en tant que rappel, le fond diffus est composé de photons, «particules de la lumière»), on peut calculer la durée de vie du fond diffus, qui équivaut au temps qui s’est écoulé depuis la recombinaison.
Maintenant, il nous reste à connaître l’âge de la recombinaison depuis le Big Bang. En réalité, cette durée est négligeable par rapport au temps écoulé après la recombinaison. Même si, en tenant compte de beaucoup de données expérimentales et de suppositions sur la composition de l’univers, il a été calculé que la recombinaison a eu lieu approximativement 380’000 ans après le Big Bang. En mettant tout ensemble, cela nous donne que l’univers est âgé de 13.772 milliards d’années (en effet, 380’000 années sont rien du tout comparées à ce grand nombre) !
A propos de l’auteur : Yuta Mikhalkin est bénévole dans la media team des Olympiades de la science et étudie les mathématiques à l’université de Genève. Elle a rédigé son travail de maturité sur l’histoire de l’univers.